Huit préceptes pour gérer les parties prenantes d'un projet.
En tant que chef de projet marketing, vous êtes responsable du lancement d'un nouveau produit ou d'un nouveau service. Les différentes parties prenantes (direction, finances, commerciaux, opérations, etc.) attendent fébrilement vos décisions.
Cependant, vous craignez de mécontenter certaines d'entre elles parce que le projet implique des choix forts qui ne satisferont pas tout le monde. Par ailleurs, chaque partie prenante a ses spécificités et ses desiderata, tous plus importants les uns que les autres. Chacun espère être entendu.
Comment allez-vous gérer leurs attentes ? Comment satisfaire tout le monde ?
Au cours de ma vie professionnelle de chef de projet digital, j'ai été amené à créer ou à modifier en profondeur des services tels que des plateformes de relation clients, des sites Web ou la vente de produits dans l'e-commerce.
Partout, j'ai rencontré des résistances au changement jusqu'aux strates les plus décisionnaires de l'entreprise. Habitué à travailler sous pression, j'utilise depuis longtemps une liste de huit préceptes qui a toujours très bien fonctionné pour moi. Je vous propose de les découvrir à travers cet article.
Auteur : Thierry P. Gaillard
Podcast sur les huit préceptes de gestion des parties prenantes.
1/ Articulez clairement la justification des décisions.
Expliquez en détail le raisonnement qui sous-tend chaque décision, en vous appuyant sur des données, des analyses de marché, des enquêtes auprès d’utilisateurs et d’autres informations pertinentes. Une justification solide et transparente renforce la crédibilité des décisions et aide les parties intéressées à comprendre les choix qui ont été faits.
Étude de cas : j'ai travaillé pour un site e-commerce qui vendait et livrait des bouquets de fleurs. La direction souhaitait à la fois améliorer les marges et maintenir les prix des bouquets compétitifs, ce qui représentait un défi dans un marché très concurrentiel et dominé par le leader.
Application du précepte : après avoir analysé le marché (clients, concurrents, contexte), j'ai présenté aux parties prenantes (logistique, marketing, direction) des données chiffrées concernant l'impact de la livraison gratuite sur les marges, des analyses de l'élasticité-prix des clients et des projections des conséquences de cette décision sur les ventes et la rentabilité. J'ai démontré que la livraison gratuite sur les petits paniers n'était plus viable économiquement en raison de l'augmentation des coûts de livraison et de la nécessité de maintenir des prix compétitifs sur les bouquets. Appliquer des frais de livraison sur les bouquets les moins chers inciterait les clients à acheter des bouquets plus chers pour bénéficier de la livraison gratuite.
Bénéfice : en expliquant clairement les raisons économiques de cette décision, j'ai facilité l'adhésion des équipes, même si celles-ci étaient initialement réticentes à cette mesure.
2/ Mettez l’accent sur les avantages à long terme.
Articulez la vision à long terme du produit ou du service et la manière dont vos décisions actuelles s’inscrivent dans cette vision. Mettez en évidence les avantages durables et la valeur que le produit apportera aux utilisateurs et à l’entreprise au fil du temps. En déplaçant l’attention vers les objectifs à long terme, vous pouvez aider les parties prenantes à comprendre les compromis et les investissements nécessaires pour atteindre un succès durable.
Étude de cas : j'ai été sollicité par un fabricant de bijoux pour enfants, principalement vendus lors des baptêmes et des naissances. Sa problématique ? Des ventes majoritairement réalisées via des distributeurs e-commerce, alors que son propre site Web peinait à décoller. Il souhaitait vendre en direct pour améliorer ses marges, sans froisser ses distributeurs.
Application du précepte : j'ai proposé une stratégie digitale sur deux ans, en rassurant la direction sur les bénéfices à long terme. J'ai expliqué qu'investir dans leur propre site Web et leur visibilité en ligne leur permettrait, à terme, de maîtriser leur image de marque, de collecter des données précieuses sur leurs clients et de diversifier leurs canaux de vente. J'ai insisté sur le fait que l'objectif n'était pas de concurrencer les distributeurs, mais de créer une croissance globale du marché, bénéfique pour tous. Je leur ai présenté un plan de développement progressif de leur site.
Bénéfice : en se projetant dans une vision à long terme, le fabricant a compris l'intérêt stratégique d'investir dans son propre canal de vente. Il a validé la stratégie proposée, acceptant les investissements initiaux nécessaires pour un succès futur. Cette approche a permis d'aligner les parties prenantes internes sur un objectif commun et durable.
3/ Associez les parties prenantes dès le début.
Impliquez les acteurs du projet dès les premières étapes du processus de réflexion. Cela permet de recueillir leurs perspectives et leurs préoccupations plus tôt, ce qui favorise un sentiment d’appartenance et d’adhésion aux décisions finales. Cette implication précoce permet également d’éviter les malentendus et les conflits potentiels à la fin du projet, en donnant le sentiment d'être écouté.
Étude de cas : un office du tourisme m'a demandé de mener un projet de création d'une nouvelle application mobile pour promouvoir ses activités locales.
Application du précepte : avant même de commencer le développement, j'ai organisé des ateliers avec les acteurs locaux (hôteliers, restaurateurs, guides touristiques, commerçants, musées) pour recueillir leurs besoins et leurs idées. Je les ai impliqués dans le choix des fonctionnalités, du design et du contenu de l'application. J'ai aussi créé un comité de pilotage incluant des représentants de chaque groupe pour le développement des versions ultérieures de l'application.
Bénéfice : l'application a répondu aux besoins du terrain et a été largement adoptée par les acteurs locaux, même si tout ce qu'ils avaient demandé n'avait pu être déployé dans la version 1. Ainsi, j'ai évité des modifications coûteuses en fin de projet.
4/ Justifiez clairement vos décisions.
Expliquez en détail le raisonnement qui sous-tend chaque décision, en vous appuyant sur des données, des études de marché, des analyses comportementales et d’autres informations pertinentes. Une justification solide et transparente renforce la crédibilité des décisions et aide les parties prenantes à comprendre les choix qui ont été faits.
Étude de cas : une entreprise de vente de cadeaux en ligne venait de lancer un nouveau site Web pour une nouvelle activité. J'étais chargé de gérer la campagne Google Ads avec un budget alloué par la direction. Ce budget me semblait insuffisant pour une campagne de plusieurs mois, empêchant une collecte de données optimale pour des résultats probants.
Application du précepte : j'ai présenté à la direction une analyse détaillée justifiant mon point de vue. J'ai démontré, chiffres à l'appui, que le budget initial ne permettrait pas d'atteindre une masse critique de données pour optimiser les campagnes. J'ai comparé les coûts d'acquisition estimés avec le budget alloué et j'ai présenté des simulations montrant l'impact d'un budget plus conséquent sur le retour sur investissement. J'ai mis en avant les résultats qu'on pouvait attendre avec un budget adéquat.
Bénéfice : en justifiant clairement et objectivement ma recommandation d'augmenter le budget Google Ads, j'ai pu démontrer son bien-fondé à la direction. Cette approche factuelle, basée sur des données concrètes, a permis une prise de décision éclairée, essentielle pour la réussite du lancement de cette nouvelle activité. La direction a compris le raisonnement et a accédé à ma requête.
5/ Reconnaissez spontanément les compromis et les limites.
Soyez honnête quant aux compromis qui ont dû être faits et aux limites inhérentes à chaque option. Le fait de les reconnaître ouvertement montre que vous avez pris en compte tous les facteurs et que vous avez pris des décisions éclairées, même en présence de contraintes.
Étude de cas : un croisiériste pour lequel j'ai travaillé souhaitait accroître sa notoriété sur les réseaux sociaux, mais sans allouer de budget publicitaire. Il envisageait de confier cette mission à un alternant, responsable de la création et de la publication des posts. J'étais convaincu que, même si cette approche pouvait apporter une certaine visibilité, elle serait insuffisante pour atteindre les objectifs ambitieux de l'entreprise.
Application du précepte : j'ai exposé clairement mes réserves à la direction. J'ai justifié ma position en expliquant les limites d'une stratégie purement organique sur les réseaux sociaux. J'ai présenté des données sur la portée organique moyenne des publications, en la comparant à la portée potentielle d'une campagne publicitaire ciblée. J'ai souligné l'importance d'un budget, même minime, pour booster la visibilité des publications et atteindre une audience plus large et qualifiée. J'ai proposé un budget minimum viable pour assurer des résultats tangibles.
Bénéfice : en argumentant mon point de vue avec des données concrètes et des explications claires, j'ai pu démontrer à la direction que l'investissement publicitaire était nécessaire pour maximiser l'impact de leur présence sur les réseaux sociaux. La direction a compris que le manque d'investissement limiterait les résultats. Cette approche transparente a permis d'instaurer un dialogue constructif et de réévaluer la stratégie initiale. Même si la direction n'a pas augmenté le budget, elle a compris l'importance d'en allouer un dans le futur.
6/ Proposez des solutions alternatives.
Dans la mesure du possible, présentez plusieurs options et expliquez les avantages et les inconvénients de chacune. Cela démontre une ouverture d'esprit et une volonté de considérer différentes perspectives, ce qui peut rassurer les parties prenantes et favoriser un dialogue constructif.
Étude de cas : un fabricant de matériaux m'a sollicité pour l'aider à améliorer ses coûts opérationnels. Il souhaitait une étude pour augmenter son chiffre d'affaires et ses marges.
Application du précepte : plutôt que de proposer une unique solution, j'ai présenté quatre scénarios distincts.
- Statu quo : analyse de la situation actuelle, avec ses avantages et ses inconvénients. On ne prend aucun risque, mais on ne change rien.
- Optimisation : amélioration progressive des processus existants.(organisation, achats, production) en réduisant peu à peu les coûts, avec des gains potentiels chiffrés. On change un peu pour un gain limité, mais sans prise de risque.
- Expansion : lancement d'une nouvelle activité complémentaire, en utilisant le savoir-faire existant. On peut ainsi estimer les investissements et les revenus futurs. Ce changement et ces gains potentiels plus élevés impliquent toutefois une prise de risque plus importante.
- Diversification : changement radical d'activité de toute l'entreprise en ciblant un marché plus porteur, après une évaluation des risques et des opportunités. La prise de risque est maximale, mais les gains potentiels à long terme sont plus élevés.
Pour chaque option, j'ai détaillé les avantages, les inconvénients, les coûts associés, les gains potentiels et le niveau de risque, ainsi qu'un planning de mise en œuvre.
Bénéfice : j'ai permis au fabricant de bénéficier d'une vision globale des possibilités qui s'offraient à lui en lui proposant un éventail de solutions. Cette approche a favorisé une discussion approfondie et a permis à la direction de choisir le scénario le plus adapté à sa situation, à ses objectifs et à son appétence au risque. Le client a choisi l'option 2, rassuré par l'exposé des différentes possibilités.
7/ Documentez vos décisions de manière transparente.
Conservez une trace écrite des décisions prises, des justifications qui les sous-tendent et des discussions qui ont eu lieu. Cette documentation permet de maintenir la transparence et la responsabilité. Elle peut servir de référence ultérieure en cas de besoin.
Étude de cas : le propriétaire d'un site Internet de voyages m'a demandé de l'aider à modifier son algorithme de recommandation, car ses clients n'en étaient pas très satisfaits et ses taux de conversion étaient faibles.
Application du précepte : j'ai documenté précisément par écrit les raisons de ce changement, les différentes options envisagées, les données utilisées pour prendre la décision, les résultats des tests effectués et les impacts attendus. J'ai aussi conservé un historique des discussions et des validations. Cette documentation a été mise à la disposition de toutes les parties prenantes concernées (équipe technique, service marketing et direction).
Bénéfice : en cas de questionnement ultérieur ou de problème, nous pouvons facilement retracer le processus décisionnel et justifier nos choix. Cette transparence renforce la confiance et la responsabilité.
8/ Félicitez et valorisez les parties prenantes.
Attribuez le succès du lancement du produit ou du service à chaque partie prenante en prenant bien soin d'expliquer en quoi chacune a contribué activement à la réussite du projet. Les gens aiment se sentir valorisés et seront plus enclins à accepter d'éventuels renoncements à leurs propres attentes.
Étude de cas : une agence de voyages d'affaires a fait appel à moi pour lancer une nouvelle plateforme de réservation en ligne pour ses clients.
Application du précepte : après le lancement réussi, j'ai organisé un événement interne pour remercier toutes les équipes impliquées. J'ai mis en avant les contributions spécifiques de chaque département (informatique, service client, marketing, commercial) en remerciant par mail chaque responsable et en copiant le dirigeant à chaque fois. J'ai souligné comment le travail de chacun a contribué au succès du projet. J'ai aussi envoyé un email personnalisé à chaque collaborateur pour le remercier personnellement de son implication.
Bénéfice : en m'effaçant derrière le succès et en reconnaissant les efforts de chacun, j'ai renforcé la cohésion d'équipe et motivé les collaborateurs, ce qui les encourage à s'investir dans les futurs projets. J'ai créé un climat positif propice à l'innovation et à la réussite.
Conclusion.
En combinant ces approches, vous pourrez gérer plus efficacement les attentes des parties prenantes et prendre des décisions éclairées concernant le produit, tout en maintenant un climat de confiance et de collaboration.