L'enfer est pavé de bonnes intentions.
De la mise en place de taxes pour financer des guerres, aux subventions des compagnies aériennes pendant la crise Covid, en passant par « l’effet cobra », « l’effet rat », et l’amélioration de l’air à Mexico, voici cinq exemples de management qui démontrent que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.
Auteur : Thierry P. Gaillard
Imposer les navires marchands en Grande-Bretagne.
L’histoire se déroule en 1773 en Grande-Bretagne. Georges III a besoin d'argent pour financer des guerres, en particulier contre sa jeune colonie américaine. Son administration eut l’idée de percevoir des droits portuaires et des droits de phare sur les navires marchands en fonction de leur longueur et de leur largeur.
Voilà pour les bonnes intentions.
Mais les négociants et les armateurs ne souhaitaient pas payer plus d’impôts. Comme les navires étaient imposés sur leur largeur et leur longueur, mais pas sur leur profondeur, les constructeurs navals eurent l’idée de maximiser les capacités de chargement tout en limitant le montant des impôts. Pour cela, ils construisirent des navires profonds, à fond plat et à parois plates, ce qui les rendit beaucoup plus instables. Alors que jusque-là, la marine britannique régnait sur les mers, ses navires marchands devinrent innavigables et beaucoup finirent au fond de la mer.
Voilà pour l’enfer.
Tuer les cobras en Inde.
L’histoire se passe à Delhi en Inde, à l’époque coloniale, alors que les cobras pullulaient partout dans les rues de la ville. Le gouverneur britannique voulut mettre fin à cette prolifération parce qu’elle était très dangereuse pour la population locale.
Voilà pour les bonnes intentions.
Pour résoudre le problème, il eut l’idée d’offrir une récompense financière importante à toute personne qui lui rapporterait la peau d’un cobra. Tout d’abord, l’expérience fut un succès : très rapidement, la population rapporta des peaux de cobra pour toucher la prime qui représentait un montant significatif. Les cobras diminuèrent rapidement dans les rues de Delhi. Pour continuer à toucher la prime, une partie de la population se mit à en élever. Lorsque le gouverneur se retrouva submergé de cobras d’élevage, il mit alors fin à l’expérience. Voyant que l’élevage de cobras ne rapportait plus rien, les personnes les relâchèrent dans la nature. Du coup Delhi se retrouva infestée d’un nombre supérieur de cobras par rapport à ce qu’il y avait avant.
Voilà pour l’enfer.
Éradiquer les rats à Hanoï.
En 1902, Hanoï était la capitale de l’Indochine française. Paul Doumer, alors administrateur de la ville, créa un réseau d’égouts de 14 km. À l’intérieur, les rats proliféraient et mettaient en danger la population locale en raison de la transmission de la peste bubonique par cet animal.
Malgré la création par l’administration d’une équipe chargée de tuer les rats, ils ne cessaient de pulluler dans la ville. Paul Doumer mit alors sur pied un programme permettant à la population de toucher une prime pour chaque rat tué. Ne voulant pas s’occuper de l’élimination des cadavres, il demanda que les chasseurs ramènent uniquement la queue de l’animal comme preuve.
Voilà pour les bonnes intentions.
Mais la population se contenta d’attraper les rats, de leur couper la queue pour obtenir la récompense, puis de les relâcher vivants pour leur permettre de se reproduire afin de continuer à toucher les primes. Certains se mirent aussi tout simplement à en faire l’élevage. Quand l’administration s’aperçut de la supercherie, elle arrêta de verser les primes. En 1906, une épidémie de peste bubonique tua 263 vietnamiens…
Voilà pour l’enfer.
Améliorer la qualité de l’air à Mexico.
En 1989, les autorités de la ville voulurent lutter contre la mauvaise qualité de l’air à Mexico. Pour cela, elles interdirent à une voiture sur cinq de circuler chaque jour de la semaine, du lundi au vendredi, sur la base de leur numéro de plaque d'immatriculation, afin de limiter le trafic et d'améliorer la qualité de l'air.
Voilà pour les bonnes intentions.
Les habitants de Mexico ont contourné l'interdiction en achetant une deuxième voiture, souvent moins chère, plus ancienne et moins performante. Le fait d'avoir davantage de voitures pourries en circulation n'a pas permis de résoudre le problème et, selon un certain nombre d'études, la pollution atmosphérique a en fait augmenté après la mise en place des restrictions.
En 2008, les autorités décidèrent d’étendre la mesure au samedi...
Voilà pour l’enfer.
Sauver les compagnies aériennes américaines.
En 2020, la pandémie mondiale de la Covid-19 mit à rude épreuve l'industrie aérienne américaine. Les autorités imaginèrent un plan de sauvetage d’un coût de soixante milliards de dollars pour la sauver et maintenir la continuité du service.
Voilà pour les bonnes intentions.
Avec les mesures de lutte contre la Covid-19 prises par les différents gouvernements (confinement, fermeture des frontières, etc.), le trafic passager baissa de 95 % et les prix chutèrent dans le même ordre de grandeur. Mais les compagnies aériennes firent voler leurs avions à vide puisqu’elles s’étaient engagées à maintenir un niveau de service minimum pour pouvoir bénéficier des milliards de fonds publics du gouvernement américain.
Voilà pour l’enfer.
Conclusions.
Michael G Vann affirme que l'histoire des cobras n'est pas certaine. Mais le reste est avéré. Vous pourriez tirer bénéfice de ces anecdotes au moment de prendre vos décisions. « L'effet cobra » montre que malgré toutes les bonnes intentions du monde, vous pouvez parfois aggraver le problème que vous voulez résoudre. Pour limiter ce risque, étudiez tous les impacts de vos décisions en vous appuyant sur les avis de vos équipes et répondez à cette simple question : que se passera-t-il si…. ?
Sources.
- Michael G Vann et Liz Clarke – The Great Hanoi Rat Hunt: Empire, Disease, and Modernity in French Colonial Vietnam.
- Lucas W. Davis - The Effect of Driving Restrictions on Air Quality in Mexico City
- Héctor G. Riveros – Driving restrictions and air quality in mexico city
- Wikipedia – Effet cobra.
- ReasonTV - Great Moments in Unintended Consequences.